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Le bilan des Rencontres Filmer le rural qui se sont tenues le 15 octobre à Ville-sur-Yron est encours d'écriture.

Pour les participants et ceux avec qui nous avons été en contact dans la préparation, des actes de la rencontre seront prochainement disponibles.

Nous voulons déjà remercier et les festivals qui se sont déplacés et les intervenants des deux tables rondes qui ont donné à cette journée sa tonalité : sérieux et enthousiasme.

Sans oublier le public , les élus et les "petites mains" du foyer rural qui ont œuvré en coulisse pour que tout se passe le mieux possible

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CINEMA & RURALITÉ

Journée d'étude autour du documentaire en milieu rural

L'engouement pour la ruralité explique la multiplication des projections de films qui accompagnent l'idée d'un retour à la campagne, ou qui présentent et dénoncent les transformations des milieux ruraux les plus fragiles. Le Festival « Caméras des Champs » qui se déroule à Ville-sur-Yron dans le PNRL depuis 13 ans, a pris l'initiative de tenir le 15 octobre 2011, avec le soutien de la DRAC lorraine, une journée d'étude sur le thème «Cinéma et Ruralité». Le matin, un forum était consacré à la mise en réseau des festivals du même type, et l'après-midi une table ronde débattait du thème «Filmer la ruralité».

Un réseau pour quoi faire ?

La mutualisation des moyens et la mise en relation des acteurs (associations porteuses de manifestations, réalisateurs, producteurs, …) permettent la mise en place d'une «géographie» et d'un «agenda» des rencontres. Connaître les disponibilités en films et en intervenants faciliterait la tenue des rencontres et la mise en réseau fournirait un relais appréciable en termes de relations publiques. Les festivals élargiraient ainsi leurs liens avec les décideurs du secteur, au niveau, national et international.

«Caméras des Champs» avait donc pris l'initiative. Une synthèse des échanges montre que l'idée d'une structure légère fonctionnant de manière horizontale avec une animation tournante annuelle pourrait être la solution la plus réaliste à court terme. Elle nécessiterait un engagement du festival animateur avec une relance de tous les partenaires pour éviter sa rapide «désintégration » L'adhésion serait basée sur le critère de la ruralité englobant documentaire, fiction…Le passage de témoin se ferait via une rencontre annuelle de représentants des festivals membres, qui pourrait être aussi le temps d'une réflexion collective, type journée d'étude. La communication virtuelle serait à la base des relations entre les membres sur des sujets relatifs aux films, au financement de l'organisation des festivals, aux moyens de reconnaissance du réseau. Au démarrage, le bénévolat aura une grande place même si la possibilité de recourir à un personnel annuel a été envisagée avec une participation pondérée sur le budget de chaque festival. Une des premières tâches sera l'établissement d'un agenda sous forme numérique.

Filmer le rural

Quelle(s) image(s) de la ruralité nous est donnée par les documentaristes ?

RemyEn introduction Jaques Rémy 1 a voulu interroger la notion même de ruralité, insistant sur ses doutes quant à « la pertinence de la notion et sa capacité à produire une vision globale des espaces ruraux » Cette notion permet néanmoins de comprendre les buts de ceux qui l'investissent aujourd'hui, notamment les réalisateurs .«C'est bien parce que ce concept a depuis longtemps été façonné par un regard extérieur […] que le sociologue doit garder en tête les enjeux de cet engouement pour les films mettant en scène la ruralité». Jacques Rémy insiste sur ce processus en rappelant que «… le fait est que ceux qui adoptent la ruralité […] se livrent à un intense travail de réinvention de la Tradition ou des traditions, de réélaboration des identités locales revisitées et enrichies à nouveaux frais.»

Thierry Méranger 2 orientait les débats autour de la présentation de Jacques Rémy…notamment en posant la question de savoir par qui les films étaient faits, pour quelles raisons, pour quel public et avec quel accueil.

Hubscher1S'appuyant sur une étude des productions filmiques de 1920 à 2000, Ronald Hubscher 3 pouvait avancer quelques "séquences" jalonnant la période. Une des constantes, selon l'historien, c'est l'idée de façonner un "homme nouveau" transformer la "condition du paysan" en une profession celle d'agriculteur. L'autre est celle de la modernisation, du bien-être à la ferme avec l'électrification, l'eau courante. Jusqu'au milieu des années 50, le but est de freiner l'exode rural et le moyen de moderniser c'est la mécanisation. Là les films sont nombreux, tandis que d'autres diabolisent la ville corruptrice. Avec les lois Debré-Pisani, et l'Europe verte, l'agriculture industrielle se développe, c'est la "la fin des paysans". Vient lors le temps d'une certaine nostalgie, avec des films montrant les derniers anciens sur des zones marginales. Tous ces films sont politiquement corrects, rien sur la cogestion, sur le rapport entre les gros et petits, le seul conflit est générationnel…Les critiques se retrouvent dans un cinéma de protestation, dont les films d'alerte écologique constituent la descendance actuelle! Enfin, on assiste au retour à l'intime, avec les docufictions (Depardon) avec pour points communs une agriculture à visage humain, de petites exploitations, des personnages âgés et typés et une certaine complaisance pour l'agriculture d'autrefois, répondant à une attente du public, entre nostalgie et besoin de mémoire !

Piault1 S’appuyant sur son expérience d’anthropologue, Colette Piault 4 a évoqué le cinéma documentaire fondé sur l’observation, davantage développé dans les pays anglo-saxons. Dans cette démarche qui vise à filmer le vécu tel qu’il se présente à la caméra, elle a insisté sur l’importance de respecter le temps. Il s’agit de faire correspondre le temps vécu par les personnages au temps du spectateur. « On a déjà choisi de filmer ce qui est devant la caméra, excluant ce qui est à droite, à gauche, derrière ; alors au moins donnons le temps au spectateur de voir toute l'action qui est devant la caméra avec des plans suffisamment longs pour qu'il puisse juger lui même de ce qui se passe et éprouver des émotions en même temps que les "acteurs". Les images n'ont pas pour seule fonction d'illustrer un propos. Elles sont le propos lui même et les interactions entre les protagonistes sont importantes. »

Amouroux1 Représentant la cinémathèque du ministère de l'agriculture, Brice Amouroux 5 va compléter la présentation de l'évolution de la représentation filmée des ruraux, de la création en 1923 de la cinémathèque, époque du muet et de la propagande pour la modernisation rurale, en passant par le film parlé, puis la télévision…Longtemps manichéen et utilitariste ce cinéma va changer. Il faut pourtant attendre les années 1970 pour voir des films produits par la cinémathèque « abordant des questions de société, comme le célibat ou les effets du productivisme sur les campagnes. Aujourd'hui le cinéma ouvre le monde rural à tous. Autrefois les questions agricoles et rurales étaient limitées au seul horizon des campagnes, mais désormais la société s'en est emparé et le débat déborde.» C’est ce qui explique que la cinémathèque produise des films sur les initiatives, sur les solutions pour changer ce qui est actuellement stigmatisé.

Gatineau1 En contrepoint, Christophe Gatineau 6 va alors donner le point de vue d'un réalisateur indépendant : «je fais ce qui me plait, je n'ai pas de message ou de mission» ! Mais il va aussi pointer du doigt la situation contraignante de la profession : «Aujourd'hui, les auteurs et les producteurs sont muselés par les politiques via le système de financement, les diffuseurs et la crise économique. […] 95 % des documentaires sont des reportages. C'est le financement de la production qui oblige auteurs et producteurs à les qualifier de documentaires, puisqu'en France, le grand reportage est exclu des systèmes de financement. La fonction sociale d'un artiste est de bousculer l'ordre établi ! Aujourd'hui, un réalisateur est dans un acte de séduction, s'il déplait, il est ni produit, ni financé, ni diffusé. Propos qui permettaient de lancer les débats* puis de présenter le thème du financement des documentaires.

En d'autres termes, la ruralité intéresse-t-elle les réseaux de production et de diffusion?

Bogen1 Après avoir évoqué la séparation entre une production audiovisuelle aidée dont toute une série d'indicateurs laisserait à penser que tout va pour le mieux, et un secteur bénéficiant de beaucoup moins d'aides, dans une économie de la production et de la diffusion parallèle mais insatisfaisante, Laurent Bogen 7 a posé trois questions: quel intérêt pour le documentaire sur la ruralité, quelles difficultés en regard des dispositifs de financement, et enfin face à cela, quelles solutions seraient possibles.

Steyer1 En réalisateur Serge Steyer 8 répond qu'il filme à l'intuition, sans se poser la question de savoir si son film entre dans la case « documentaire rural » ou pas. Et comme représentant du collectif "filmer en Bretagne", il pointe deux constats, l'hypercentralisme français et la faible présence des réalisateurs résidant à la campagne. Ce qui conforte le propos de Jacques Rémy, la ruralité quand elle est filmée, est souvent affaire de citadins! Quant aux solutions, elles paraissent difficiles ! La France a raté la décentralisation audiovisuelle. La Bretagne avait mené une expérience pilote, et en 2004 tout a été stoppé. Il reste de l'expérience une unité de programmes des télévisions locales menée avec les élus régionaux. A cela s'ajoute des actions de diffusion, d'expression citoyenne; ainsi, en Bretagne on note 100 lieux de diffusion pendant le mois du doc, essentiellement en dehors des centres urbains.

Hennequin1 Dominique Hennequin 9 rappelle qu'il existe une dizaine de producteurs en Lorraine, mieux organisés grâce aux fonds de soutien régional en place depuis 8 ans, mais dans une grande dépendance des diffuseurs, tous à la recherche d'une alternative à France 3…L'intérêt grandit pour le web documentaire comme pour les chaînes locales (Cf. le GIE groupant, entre autres, Vosges Télévision, Mirabelle TV…) Sur la ruralité, il rappelle qu'une quinzaine de documentaires ont été soutenus par la région Lorraine et que les producteurs n'ont pas de barrière «La terre spoliée des Touaregs, sur une surface de 90000 km2 n'entrait pas dans cette case au départ de mon film sur l'uranium… Mais je m'interroge comme producteur en me demandant si un film sur la ruralité trouvera un diffuseur, un public. Même Arte se pose la question de l'audimat. Depardon est une exception!» Pour lui, quand on va sur des systèmes alternatifs, l'expérience montre qu'on précarise le projet et cela devient une sorte d'autoproduction parfois frustrante. Comment sortir du cercle, aide si diffuseur et diffuseur si sujet susceptible de faire de l'audimat? Alors naissent des petites structures de production qui au départ s'autoproduisent par nécessité, puis produisent les films des autres. «En Lorraine, nous ne sont pas en concurrence et nous nous sommes tous retrouvés dans le projet de Pôle régional de l'Image, comme on s'étaient regroupés pour le fonds de soutien.»

Pelissier Représentant la diffusion, Jacques Pélissier 10 (3 documentaires en 3 ans), rappelle qu'en 2009, 70 documentaires sont sortis en salle pour une fréquentation moyenne de 30 à 40000 spectateurs. En fait trois catégories, le documentaire animalier type "Peuple migrateur", gros succès, le documentaire pédagogique type "Une vérité qui dérange" 700.000 entrées et puis une catégorie un peu fourre-tout, celle qu'il diffuse, en moyenne 3000 entrées. Si les salles ne programment pas ou très peu de documentaires, il faut passer par les réseaux sociaux, les associations, les radios locales, les écoles, les syndicats, les ciné-clubs, et les festivals, en proposant des animations. «L'an passé nous avons organisé 240 projection-rencontres, soit 8 mois pleins pour l'équipe » Les limites à cette stratégie alternative, c'est le temps consacré et qui rapproche du bénévolat. Quant à la rémunération des réalisateurs, sur les trois films diffusés, il déclare que rien n'a été reversé aux créateurs; « on n'apporte que de la notoriété par la diffusion en salle, ce qui peut aider le financement des réalisations futures» !

Leclercq1 Cette notoriété peut passer par d'autres voies, comme le montre A.Leclercq 11 soulignant l'ampleur de la production de documentaires, hélas peu diffusés en salles. La commission sélectionne environ 80 films par an qui iront au catalogue. D'où l'importance du réseau non-commercial, les bibliothèques, médiathèques de prêt, écoles, maisons d'arrêt, hôpitaux…Ils peuvent faire leur choix sur des catalogues publics et privés comme l'ADAV. La Bibliothèque Publique d’Information diffuse un catalogue d'environ 1500 films documentaires dont les droits ont été acquis auprès des producteurs, distributeurs ou réalisateurs. Le fonds CNC Images de la culture" est lui un catalogue de films qui s'adresse aux organismes culturels, sociaux ou éducatifs, aux festivals. Le catalogue BPI c'est 56 euros la minute et celui du CNC 84 euros… ensuite, les structures peuvent retenir des films à faible coût (12 euros) puisque les droits ont été négociés en amont. «C'est parce que ces fonds étaient mal connus, qu'a été créé le mois du film documentaire, qui permet la diffusion, des expositions et des rencontres»

Miesch1 Le point de vue d'un exploitant de salle sera donné par C.Miesch 12, seule structure professionnelle dans un rayon de 40 km, au sein d'une association d'éducation populaire. Elle insiste sur la place du documentaire comme vecteur d'échange et de débat d'idées. Le festival jeune public "graines d'étoiles" à Gérardmer, va pour la première fois proposer 4 documentaires, « mais on ne sait encore s'il y aura un public »…En effet, «Même si nous sommes une salle art et essai et jeune public, et si notre démarche c'est aussi de s'inscrire dans les projets d'éducation à l'image…le documentaire reste marginal, à part dans la programmation…»

* L'ensemble de la journée a été filmée et les débats seront consultables. Le premier débat s'est rapidement focalisé autour de la vision partielle des mondes ruraux, en France principalement, qui donnent à voir les campagnes en susrsis, celles dont l'avenir est menacé et qui pour certains méritent d'être filmées parce que ce moment risque de nous échapper, pour d'autres parce que c'est là qu'on peut montrer des caractères forts et une certaine humanité et enfin pour d'autres parce qu'il y a une attente, un "marché " de la part d'un public en mal de nostalgie…Le deuxième débat a repris le rapport entre diffusion par les télévisions nationales et diffusion parallèle par les festivals, les associations…Le rôle important du mois du documentaire est à nouveau souligné, comme moment d'échange privilégié. Certaines télévisions locales programment avec succès des documentaires à 20 h 30, prouvant la popularité de ces films, même si ces diffusions ne génèrent aucun bénéfice.

 

Notes

1- Sociologue du monde agricole, directeur de recherche à l’INRA, spécialisé dans la sociologie des professions et du travail.

2- Journaliste aux Cahiers du Cinéma

3- Professeur émérite d’Histoire Contemporaine à l’Université Paris X-Nanterre, spécialisé dans l’histoire du documentaire en milieu rural

4-Ethnologue-cinéaste, directeur de recherche au CNRS et présidente de la Société Française d’Anthropologie Visuelle.

5-Responsable de la cinémathèque du Ministère de l’Agriculture

6- Réalisateur de documentaires et photographe

7- Conseiller Cinéma à la DRAC Lorraine

8- Réalisateur de documentaires et directeur de l’Association « Films en Bretagne »

9- Président de l’Association des Producteurs Audiovisuels en Lorraine (APAL)

10-Distributeur de documentaires pour Aloest Distribution

11-Coordinateur du Mois du Film Documentaire et responsable de la commission de sélection « Images en bibliothèques» http://www.imagesenbibliotheques.fr/

12- Directrice de la Maison de la Culture et des Loisirs de Gérardmer (Cinéma Art et Essai)

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